Accueillir, comprendre et dépasser nos peurs sur le chemin de la naissance

D’après la conférence de Floriane Stauffer-Obrecht, sage-femme, au cours du sommet virtuel « Naître en conscience »

La peur peut facilement faire partie de l’expérience de la grossesse : lorsqu’une personne apprend sa grossesse, elle craint souvent l’arrivée d’une fausse couche qui lui fait taire au monde la bonne nouvelle. Ensuite vient le moment des échographies, anxiogènes pour ce qu’elles pourraient révéler. L’accouchement amène sur la table les sujets de la douleur, des déchirures. Quant au post partum, on se question sur le parent qu’on pourrait être, potentiellement mauvais, pas assez ceci, pas assez cela.

Lorsqu’une naissance à domicile est planifiée, c’est la peur de ne pas y arriver, de ne pas avoir suffisamment d’outils, qui émerge, amenée par une dynamique globale de la société vis à vis des naissances, lesquelles devraient forcément être médicalisées.

La peur est donc normale et attendue au cours d’un suivi de grossesse !

Il est surprenant, mais pas rare, de rencontrer des femmes absolument pas préparées à ce que sera l’accouchement, obscurcissant ainsi bon nombre de questions et de peurs. Souvent il s’agit de femmes ayant fait le choix d’un parcours médicalisé, avec planification de péridurale et de gestion médicale du travail. S’en remettre complètement à une équipe est ce qui les rassure et elles se reposent sur ce fait sans plonger dans l’exploration de leurs angoisses.

Floriane rappelle que le docteur Leboyer, initiateur de la péridurale en France, avait posé une condition à sa technique : celle de la bonne préparation des femmes pour conscientiser la naissance (les évènements possibles au cours d’une naissance et le nécessaire accompagnement de l’enfant à naître par tout l’amour dont il a besoin pour bien démarrer dans la vie). Ceci est manifestement tombé dans les oubliettes au profit d’un abandon total aux mains de la médecine moderne.

Qu’est ce que la peur ?

La peur est une émotion qui accompagne la prise de conscience d’un danger, d’une menace. On en distingue plusieurs types.

D’abord il y a la peur comme instinct de survie, nécessaire à notre existence et dont on ne veut pas se passer. C’est ainsi qu’on peut faire confiance à une femme qui affirme que quelque chose ne va pas et qu’elle aimerait se rapprocher d’une structure de soins : on peut toujours objectiver qu’il existe réellement une anomalie une fois le transfert vers la maternité effectué.

Il y a aussi les peurs en lien avec notre vécu. Ces peurs sont faciles à travailler car elles ont été engrammées, c’est à dire fixées dans le système nerveux, depuis peu de temps.

Parmi les peurs plus profondes, on connaît celles liées à notre propre naissance. Par exemple, imaginons nous notre mère qualifier le jour de notre naissance comme le jour où sa sexualité est devenue catastrophique après l’épisiotomie qu’aurait réalisée par la sage-femme. Quelles peurs peuvent émerger de cette information sur notre propre naissance par rapport à l’enfantement à venir ? Et comme les travailler ?

Enfin, il y a les peurs transgénérationnelles qui sont encore plus profondes puisqu’elles viennent modifier la façon dont nos gènes s’expriment. C’est l’épigénétique. Par exemple, une famille peut devenir « à césarienne » suite à un trauma de naissance par modification de l’expression de certains gènes. La thérapie transgénérationnelle sera très utile pour désengrammer les peurs chez la personne qui se traite.

Comment les travailler ?

Dans tous ces cas, la peur reste une émotion et il est donc possible de travailler dessus. Les outils divergent selon le type de peur mais rien n’est irrévocable. Les sages-femmes et médecins disposent notamment de l’entretien prénatal précoce initié pour déceler les problématique de la femme ou du couple qui pourrait devenir des entrave au bon déroulement de la naissance future. D’autres approches existent bien entendu.

Floriane propose simplement d’arrêter de se mettre en mode « pilote automatique » pour donner une place au ressenti en lien avec la peur : que vient-elle remuer en nous, physiquement, à quoi cela peut-il bien nous servir ? Dans un premier temps, ça permet de ne pas laisser l’émotion se figer dans le corps (s’engrammer) car être conscient de ce qui se passe en nous fait redescendre l’émotion. De plus, parfois le corps nous donne la solution à la question du pourquoi de cette peur. Si on ressent la peur dans un zone particulière et que l’on accueil le ressenti, un souvenir en lien avec cet endroit pourrait ressurgir et nous dévoiler ce qui serait utile de venir travailler / discuter.

S’ancrer, accueillir et observer pour avancer avec nos peurs. D’ailleurs, vivre un évènement accompagné de peurs peut donner un super sentiment de réussite. On l’a fait, malgré tout : on a transcendé l’épreuve et on en est ressorti grandi.e !

Les peurs peuvent aussi être abordées avec la question suivante : « Et alors ? C’est quoi le danger ? » Par exemple : « Prendre la péri serait un échec pour moi » – « Pourquoi, quels sont les risques ? » – « Ne rien sentir et finir par ne pas aimer mon bébé » – « Ah bon ? Pourquoi ? » – « Ma mère a eu une péri pour ma naissance et j’ai toujours eu un relationnel difficile avec elle. » On arrive finalement à la notion à travailler : une situation passée de l’enfance.

Ne pas oublier que l’expérience initiatique est la naissance, l’accouchement. La manière dont ça se fait ne peut pas être jugée comme bonne ou mauvaise. « Il faut arrêter de vouloir tout contrôler, tout ne peut pas être parfait, instagrammable », rappelle Floriane. Le problème avec les peurs, c’est qu’elles nous font chercher à contrôler notre environnement. Ne se poser aucune question mais tout de même porter des peurs ou, au contraire, vouloir tout contrôler sont deux extrêmes qui se font souvent rattraper à l’accouchement. Une attitude constructive consisterait à travailler sa réceptivité et à voir les synchronicités de la vie, voir ce qui se présente à soi.

S’il reste quelques appréhensions le jour J : et alors ? Peut-être est-il préférable de ne pas ôter toutes nos couches de travail sur nous d’un seul coup. Les changements qui en résulterait pourraient s’avérer brutaux et déstabiliser tout notre équilibre.

En revanche, il est préférable de ne pas conserver trop d’anxiété qui pourrait jouer sur l’état général de la personne et entraîner des pathologies de grossesse comme le diabète, l’hyper tension, la menace d’accouchement prématuré, etc.

Je reprends ici un exemple proposé par Floriane qui m’a beaucoup parlé : celui de la classique stagnation à 8-9 cm de dilatation (désolée de parler en centimètres, c’est tellement réducteur). Je suis moi-même restée coincée à 9 cm pendant 4 heures / 7 de travail actif pour la naissance de ma fille. À ce stade des naissances, le fœtus commence à plonger dans l’intimité en appuyant dans le vagin. Cela fait naître la peur de mourir, qui est finalement la mort de l’identité d’avant au profit de notre nouvelle identité de mère. Pour certaines, il y aura un petit moment de stress avant le grand plongeon. Pour d’autres, ce grand stress fera ralentir les contractions, ce qui leur octroie une pause. Et puis l’envie de rencontrer bébé devient plus forte que la peur et l’avancé dans le vortex reprend avec la marée : la naissance est imminente. Enfin, certaines femmes ne pourront jamais se résoudre à traverser ce canal de transformation et auront besoin d’une césarienne pour enfanter : à ce moment là de leur vie, elles ont besoin de cette coupure pour pouvoir avancer (en psycho somatique, la césarienne symbolise la coupure avec sa lignée de femmes). Que c’est beau ! Accueillions ce qui se présente à nous.

À propos du stress post traumatique

Il est occasionné par un choc tel que la vie toute entière se retrouve conditionnée à cette mémoire traumatique. La personne est en pilote automatique et revit des moments de son expérience choquante avec des flash back. Elle se trouve en état d’alerte constante. Une vie normale n’est plus possible pour elle et des décompensations psychotiques sont à craindre. Dans ce cas, la personne doit se faire accompagner par un.e professionnel.le de la question avec notamment l’EMDR, l’EFT et quelques techniques plus minimes mais aidantes comme la méditation, la sophrologie, etc.

Pour ne pas vivre une expérience de maternité comme un traumatisme, Floriane conseille de faire des choix en conscience pour sa grossesse : « qui m’accompagne ? », « où j’accouche ? » Si le choix se fait vers une équipe hospitalière, il convient de s’ouvrir à la relation et ne pas considérer tout le monde comme des ennemis potentiels, au risque de percevoir les actes de chacun comme traumatisants. Se mettre en harmonie avec l’équipe évitera que la naissance elle-même soit perçue comme violente. Notre posture peut grandement conditionner les choses. « Tout attendre, rien espérer » pour diminuer la pression qu’on se met dans la recherche de la perfection irréalisable.

Rappelons-nous que nous portons tous et toutes un trauma collectif : celui qui dit que les femmes sont fragiles, qu’il faut les protéger et que les naissances sont dangereuses. Apprendre les bases de la naissance physiologique rappelle à tout le monde combien la nature est en réalité bien faite. Nos peurs en lien avec la faiblesse des femmes et la dangerosité de l’accouchement ne nous appartiennent pas : elles sont le fruit de milliers d’année de patriarcat et de quelques décennies d’hyper médicalisation.

Floriane termine en souhaitant à chaque femme de se sentir aimée pour accoucher où qu’elle soit.

« Si toutes les naissances se faisaient en puissance : ce serait un gros bazar dans notre société. »


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